L’Eveil de l’artiste
A la Cité du livre près de la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence, une conférence menée par Bernard Stiegler, s’est déroulée le 16 décembre 2014 sur la thématique d’un hypercontrôle de l’art. Cet évènement a été réalisé par Alphabetville, l’Ecole supérieure d’art d’Aix-en-Provence et Ars industrialis.
Une étudiante de l’Ecole de Journalisme et de Communication d’Aix-Marseille nous rapporte l’intervention de Bernard Stiegler à la Cité du Livre.
Dans une ambiance presque feutrée, Bernard Stiegler prend place devant l’amphithéâtre, comble de la Cité du livre d’Aix. Lorsque la conférence commence, le silence règne. L’auditoire n’est plus que philosophie à travers la voix de Bernard Stiegler. Visible de tous, le philosophe à lunettes, assis à une table, développe le sujet d’un hypercontrôle de l’art. Selon lui, ce thème regroupe plusieurs domaines: l’économie, la politique, le sociétal.
Dans un voyage entre Foucault, Deleuze et Burroughs, l’orateur confie qu’à présent, le monde s’articule autour des chiffres et du numérique, ce qui crée une « anxiété, un climat anxiogène » au sein de notre société. Il approfondit son idée à l’aide de diaporamas, en affirmant que « la société est à un âge de l’hypercontrôle causées par les nouvelles technologies et Internet ». Tout devient hyperindustrialisé. En conséquence, les savoirs se détruisent. Parmi ces savoirs, Bernard Stiegler en définit trois : le savoir faire, le savoir théorique et le savoir scientifique.
Le philosophe pose ainsi la question : « Est-ce qu’un art de l’hypercontrôle est-il réellement bénéfique pour la société ? »
En réponse, il décrit que les technologies ne laissent plus la place au temps et à la réflexion. Tout est contrôlé et les incidents sont évités. Or le théoricien expose que la création et le sens d’exister résident dans la différence et non dans l’homogénéisation. La société est entrée dans une mondialisation, une consommation de masse et les médias englobent ce concept.
Le Big Data, pour Bernard Stiegler, est « une barbarie numérique ». Le numérique unifie tous les automatismes. L’art est un moyen d’inventer de nouvelles choses et cette notion d’invention est à noter selon le penseur. Au sens de l’art, dans son aspect le plus technique, l’enjeu – de nos jours- se conçoit dans une « transformation colossale ». L’art produirait « une sorte de thérapeutique face à l’hypercontrôle », de la néguentropie, entre autres, une adaptation et une organisation positives dans l’environnement actuel.
La diversité amène à la prise conscience et à la solidarité. C’est en cela qu’il faudrait réarticuler le web pour en comprendre le sens, comprendre le sens des données. La solution plausible à l’hypercontrôle serait de ne pas se laisser gouverner par l’automatisation et de ne pas rester passif face à la masse d’informations absorbées en continue.
Pour Bernard Stiegler, si tout est contrôlé, plus rien ne se passe, l’esprit est en veille et donc ne crée plus. L’artiste a la capacité de voir le monde sous un œil différent, d’en percevoir des détails qu’il met en valeur. Ainsi, il doit prendre le contrôle afin d’éveiller les esprits.
P. Delahaye
A propos :
Vers un art de l’hypercontrôle s’inscrit dans le cadre de la plateforme e-topie. Cette dernière fédère un groupe d’acteurs qui, sur les territoires d’Aix-en-Provence et de Marseille entendent promouvoir les nouvelles pratiques à l’ère du numérique. Suite à une première édition réussie à l’occasion de Marseille-Provence 2013, les opérateurs regroupés sous la bannière e-topie conçoivent une série de rendez-vous dès 2014 en préfiguration d’une biennale internationale d’arts numériques qui se déroulera à l’automne 2015.
Pour aller plus loin :
Cette conférence se situe en ouverture d’un programme de recherche théorique et pédagogique à venir sous la direction de Bernard Stiegler, avec Alphabetville et l’ESA Aix-en-Provence. Pour en savoir plus, cliquez ici.